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L'interview de COSTA-GAVRAS

Interview publiée dans le PROG n°196 de Novembre 2022

« Ce qui m’intéresse, c’est l’être humain »

 

On lui doit des films mythiques comme Z, L’Aveu, ou plus récemment Le Couperet, Le Capital, ou Adults in the room sur la crise grecque et l’Europe. Et vous savez quoi ? Il sera bientôt à Tours ! 

 

Vous venez à Tours pour les 50 ans de la Cinémathèque : à Paris, la Cinémathèque Française, dont vous êtes aujourd’hui président, a joué un rôle dans votre parcours de cinéaste ?

C’est là-bas que j’ai découvert que le cinéma pouvait faire des œuvres autres que les films de pur divertissement, les films d’action ou de cow-boys. J’ai vu des œuvres classiques, c’était une vraie découverte, qui m’a motivé à essayer de voir comment on faisait des films, et si je pouvais en faire moi-même. Quand j’ai appris qu’il y avait une école de cinéma, je m’y suis précipité ! 

Vous aviez donc dès le début l’envie de proposer une vision du monde engagée, critique ?

Je voulais montrer ce qu’est la vie selon moi, et comment on y réagit. 

Et on apprend à faire des films en regardant ceux des autres ?

Tout comme on apprend à écrire en lisant ce qu’écrivent les autres ! Il est essentiel de connaître l’histoire de l’écriture (et du cinéma). Le cinéma, c’est raconter une histoire en images. A la Cinémathèque Française on projette par exemple 4 à 5 films par jour, soit plus de 1200 films par an. Le cinéma actuel, d’hier, ou d’avant-avant-avant-hier !

 

Bande-annonce de Adults in the room, 2019

Vos histoires à vous sont souvent liées à des enjeux politiques, aux questions de pouvoir, de liberté…

Ce qui m’intéresse, c’est l’être humain. Nous avons tous du pouvoir : comment ce pouvoir s’exerce, pour nous rendre heureux ou malheureux ? Je pense que tous les cinémas sont politiques, tous les articles que vous publiez sont politiques, car vous parlez d’un sujet, et vous transmettez une vision. Ce qui me passionne, c’est parler du monde et des hommes et femmes qui l’habitent. 

Qu’est-ce qui vous inspire aujourd’hui ?

Plein de choses ! J’essaie d’écrire pour raconter des choses, au cinéma, à la télévision. La télévision est un média tellement populaire que cela m’intéresse forcément. Ne serait-ce que parce qu’elle permet à des gens qui n’ont pas accès aux salles de cinéma de découvrir des films. 

Et quel regard portez-vous sur les plateformes de streaming comme Netflix, Amazon Prime… ?

Elles m’intéressent car elles jouent un rôle formidable dans notre société : un film qui passe sur Netflix est vu par 2 ou 3 millions de personnes en quelques jours ! Des gens qui n’avaient pas accès au cinéma l’ont avec ces outils. Mais cela pose aussi d’autres problèmes, et cela peut détruire le cinéma tel que nous le connaissons, tel que nous le faisons et comme nous aimons le faire, autrement dit avec une vraie liberté et une approche individuelle des œuvres. Cette liberté que nous avons en France n’est pas la même au sein du système des plateformes. Leur approche n’est pas artistique, mais économique.

Avez-vous expérimenté cette singularité du système français lorsque vous avez tourné aux Etats-Unis (Missing en 1982, La Main droite du diable en 1988, Music Box en 1989, Mad City en 1997…) ?

Il faut avoir conscience que c’est totalement unique ce qu’on a en France. J’ai travaillé aux Etats-Unis avec une certaine liberté tout de même, car je menaçais de rentrer chez mois si les choses n’étaient pas faites à ma façon. Les grands cinéastes américains ont cette liberté. Mais les autres ne l’ont pas toujours, et l’auront sans doute de moins en moins avec les plateformes qui ne pensent pas au nombre de spectateurs ou la créativité, mais au nombre d’abonnés qu’elles peuvent engranger.

 

Bande-annonce de Missing

Vous recevez souvent des récompenses (récemment un Léopard au festival de Locarno) : cela a du sens pour vous ?

Cela fait toujours plaisir, mais cela a du sens surtout pour le film, cela attire l’attention sur l’œuvre, et c’est l’essentiel. On fait des films pour qu’ils soient vus. 

Aujourd’hui et depuis plusieurs années, vous êtes président de la Cinémathèque Française (grande sœur de la Cinémathèque de Tours). Quel rôle a cette institution selon vous dans le monde du cinéma ? 

Son rôle a été établi par son fondateur, Henri Langlois. Depuis sa création, beaucoup de choses ont changé, la cinémathèque évolue avec son temps, mais elle garde le rôle de sauver les œuvres et tout ce qui entoure le cinéma. Ses fonctions : conserver et montrer. Les œuvres sont faites pour être vues, même quand on ne les a que partiellement. La Cinémathèque Française, c’est aussi une grande bibliothèque, et tout ce qui concerne la mécanique : des caméras, des bobines de films, des costumes, des scénarii, des affiches. C’est peut-être la collection la plus grande du monde, avec 3500 appareils de cinéma. Les Américains veulent faire la même chose, un musée, et nous envient beaucoup ! 

Et quel est votre dernier coup de cœur vu au cinéma ?

Le documentaire L’Ombre de Goya, avec Jean-Claude Carrière. On y croise Goya, Buñuel et la culture espagnol de manière extraordinaire, je vous le conseille ! 

Costa-Gavras sera à Tours pour les 50 ans de la Cinémathèque du 25 au 27 novembre ! Et vous pouvez retrouver l’histoire de la Cinémathèque de Tours dans notre rubrique La Petite Histoire  ici  . 

 

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