Interview publié dans le PROG de Janvier/Février 2024
« Je suis un transmetteur »
Seule en scène dans le spectacle « Tout le monde savait », la comédienne incarne Valérie Bacot, victime de violences sexuelles répétées par son beau-père devenu mari, qui s’en est libérée en le tuant. Une pièce émouvante, dont elle nous dit plus…
Avez-vous rencontré Valérie Bacot pour préparer la pièce ?
Je l’ai rencontrée lors de rendez-vous communs avec des journalistes, alors que j’avais déjà commencé les répétitions. Ce qui m’a étonnée c’est son côté très solaire, cette envie de vivre qui se dégage d’elle.
Le fait d’incarner une personne vivante a-t-il changé votre manière d’aborder le rôle ?
J’imagine que oui. Il faut être humble : je ne peux pas être plus sincère qu’elle. C’est aussi une histoire plutôt dans la rubrique des faits divers et statistiques, qui fait appel à l’intellectuel, et mon travail consiste à faire passer cela en histoire et en spectacle, du côté de l’émotion pour le public. Je suis un transmetteur.
La thématique du spectacle est difficile, celle des violences faites aux femmes : aviez-vous envie de l’aborder ?
« Envie » je ne sais pas, mais j’avais une certaine inquiétude, car si on ne traite pas cette thématique de la bonne manière, cela peut être contreproductif. C’est un défi : comment mettre de la vie là où il y a un danger de mort ? Quelqu’un qui est en train de se noyer n’a pas de recul, il fait tout pour survivre, les yeux grands ouverts, à la recherche désespérée d’air. Je me suis dit que j’allais faire pareil, ne pas chercher à raconter une grosse histoire mais vivre à fond chaque moment, un instant après l’autre. Là cette femme respire, là elle cherche simplement à survivre, là elle sauve ses enfants… Et j’ai la chance de jouer aussi le rôle de l’avocate, pour évoquer les moments trop durs. Ces deux personnages, un qui est maltraité, l’autre très fort, permettent un équilibre intéressant pour moi et pour le public.
Le spectacle déclenche-t-il des confidences de la part des spectateurs à la sortie ?
Oui ! Et je suis obligée de me prémunir par rapport à cela car je ne suis pas psy, et j’avais peur de me laisser déborder par tout cela. Pour jouer cette pièce, je dois être calme et apaisée. Les spectateurs peuvent s’énerver, ressentir, s’émouvoir. Mais si je me positionne comme eux, souvent dans la colère quand ils sortent, je ne peux plus porter le projet. Donc j’ai tendance à m’enfuir après avoir joué, ne le prenez pas mal ! Il y a aussi des confidences parfois dures à recevoir, comme celles d’un homme qui me confiait avoir frappé une femme, or je ne sais pas quoi faire de cette information…
Vous jouez aussi bien au cinéma qu’au théâtre, c’est un équilibre que vous recherchez ?
J’aime bien les deux, et ensuite ce sont les hasards et les projets possibles qui font le reste. Il faut se laisser transporter un peu quand on fait ce métier, ne pas décider à l’avance « maintenant je fais du théâtre ».
Et qu’est-ce qui vous motive à accepter les rôles qu’on vous propose ?
Bonne question ! On sait pourquoi on dit non, mais c’est plus compliqué de savoir pourquoi on aime, ce qui nous attire dans un projet.
Pour cette pièce vous avez dit oui tout de suite ?
Pendant longtemps je n’ai pas dit non. Je me rendais compte que c’était bien écrit, que le propos était important. Et que si je ne le faisais pas, alors je ne faisais pas mon métier en entier. Je ne suis pas là que pour fermer/ouvrir une porte et faire « ha ha ha » devant une caméra, donc j’ai voulu tenter, voir si j’arrivais à participer à faire de cela un vrai spectacle qui emporte les gens.
En plein cœur de l’hiver, quel est votre petit plaisir ?
Manger du chocolat noir ! Je n’en mange jamais en été, et je ne sais pas pourquoi, en hiver, je n’arrêt pas !
On débute 2024 : une bonne résolution ?
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