L'interview de EMMANUEL ROSSFELDER
« La guitare est un instrument particulier »
Le guitariste Emmanuel Rossfelder jouera avec le flûtiste Philippe Bernold à Tours le 22 septembre, à l’invitation des Moments Musicaux de Touraine. Envie d’en savoir plus ? Lisez ce qui suit…
Comment est né le duo que vous formez avec Philippe Bernold pour ce concert à Tours ?
On se connaît depuis longtemps car nous avions à une époque la même agent artistique, Diane du Saillant (dans l’agence Opéra et Concert). On s’est donc rencontrés il y a une vingtaine d’années, on a fait nos premiers concerts à cette époque, on ne s’est pas perdus de vus et une ou deux fois par an on se retrouve avec plaisir pour des concerts ensemble.
A-t-il été facile de trouver des morceaux écrits pour guitare et flûte ?
La moitié des œuvres que nous jouons sont écrites pour flûte et guitare, comme cette formidable sonate de Giulani, un compositeur qui fait le pont entre musique classique et romantique, entre Mozart, Rossini et Paganini. Nous jouons aussi des œuvres de Piazzolla écrites pour flûte et guitare. La flûte était l’instrument du tango avant qu’il ne devienne célèbre avec le bandonéon, et Piazzola a rendu hommage à ces origines. Et pour l’autre moitié de notre programme, j’ai fait des transcriptions du piano vers la guitare, et nous avons aussi quelques pièces plus originales comme les Bachianas de Villa-Lobos.
Ce sont des morceaux que vous avez déjà enregistrés ?
Nous n’en avons jamais parlé… Je crois que nous sommes timides face aux interprétations enregistrées par Jean-Pierre Rampal à la flûte et Alexandre Lagoya à la guitare. Philippe Bernold a bien connu J-P. Rampal et j’ai été élève de Lagoya, et nous sommes humbles face à ces maestros.
Vous avez commencé à jouer de la guitare à l’âge de cinq ans, vous en avez quarante-neuf aujourd’hui : vous n’avez jamais eu de moments de lassitude ?
Non pas du tout ! Et le jour où je sentirais une quelconque lassitude, j’arrêterai aussitôt car c’est incompatible avec l’exigence quotidienne qu’il faut avoir. La guitare est un instrument particulier, on en joue avec ses ongles, qu’il faut donc entretenir, et qui changent tous les jours… C’est un des aspects passionnants de cet instrument. Et le répertoire est tellement immense que j’ai toujours du pain sur la planche, je ne vois pas le temps passer !
Vous parliez de vos ongles…
Oui ils sont essentiels. Dans la guitare, le plus important c’est le son. Arriver à émettre un beau son, sans micro, avec un instrument qui n’est pas très puissant en soi, mais avec lequel on peut développer une certaine puissance grâce à la qualité des ongles. Le pianiste a ses doigts, le violoniste son archet, le guitariste a ses ongles, c’est notre matière à fabriquer le son. Donc tous les matins je prends une heure pour m’occuper de mes ongles avant de prendre la guitare. Les ongles poussent, ils s’abîment (vous attrapez vos clés dans votre poche et hop, un petit coin d’ongle est cassé par exemple). Je suis intransigeant sur cette discipline, car je ne veux pas que les musiciens avec lesquels je joue se briment en pensant qu’ils doivent faire attention à ne pas jouer trop fort pour ne pas couvrir la guitare. C’et mon travail à moi, en arrière-boutique !
Et la chanson, la variété, c’est un domaine qui vous plaît ? Vous faites une petite apparition en Gilbert Bécaud dans le film Cloclo…
C’est un tout petit rôle que j’ai pris beaucoup de plaisir à jouer ! Quant à la variété, j’aime beaucoup en écouter, mais mon objectif est de montrer que la guitare est un instrument de soliste, avec lequel on peut proposer 1h ou 1h30 de concert seul en scène.
Cette vision de la guitare, cet amour de l’instrument, vous le transmettez aux jeunes générations ?
Bien sûr et c’est essentiel de transmettre ! De faire comprendre aux jeunes guitaristes que leur instrument n’est pas condamné à rester en arrière-plan, leur expliquer comment faire vibrer et sonner leur guitare. Je n’ai pas le temps d’assurer des cours réguliers, donc c’est plutôt à l’occasion de masterclass suivies d’un concert : cela permet de montrer sur scène ce que je leur ai expliqué dans la journée. Il faut prouver ce qu’on raconte !
Et pour vous, quel est le moment le plus musical de la journée ?
Le matin. En voyage, en tournée, je me lève, je vais marcher ou courir au lever du soleil, dans la nature. Puis je rentre, je me douche, je petit-déjeune, et je suis alors prêt à travailler. C’est le moment où la créativité est à son maximum.
En concert le samedi 22 septembre à Mame, Tours. Infos sur www.mmt37.org
Pour en savoir plus sur E. Rossfelder : www.emmanuelrossfelder.net