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L'interview de BÉRANGÈRE VANTUSSO

🕑 Temps de lecture : 4 min

Publié dans le PROG n°215 de Septembre 2024
 

PROG! a voulu en savoir plus sur la nouvelle directrice du Théâtre Olympia-Centre Dramatique National de Tours.
 

LA question

Pour une metteure en scène, quand on dirige un CDN, c’est qu’on a réussi sa vie ?

Ça dépend des parcours ! Certains metteurs en scène ne veulent pas du tout se mettre dans cette position. Dans mon cas, j’ai déjà dirigé le Studio Théâtre à Vitry-sur-Seine, et je suis aussi très intéressée par la question du service public. Peut-être car je suis fille d’enseignante et que cette notion a toujours été dans ma vie ? Je veux voir comment utiliser les outils comme le Tº pour inventer des espaces de partage et de rencontre entre des œuvres et des publics.

 

LE QUESTIONNAIRE

L’artiste qui vous a donné envie de faire ce métier ? Celui qui m’a donné envie de le faire comme je le fais, c’est Claude Régy et sa mise en scène de Mort de Tintagiles (de Maeterlinck), pleine d’audace et de liberté. Je me suis dit « on a le droit de faire ça ?!? ».

Le film qui a marqué votre enfance ? La Nuit du chasseur, que je viens de revoir avec mes filles.

La musique qui vous donne forcément envie de danser ? Aretha Franklin, Respect !

Le théâtre en chanson : Les Comédiens d’Aznavour, Après le Théâtre d’Anne Sylvestre, ou Le Souffleur de Reggiani ? Même si je ne connais pas celle-ci, c’est Anne Sylvestre forever !
 

A quelques jours de l’ouverture de saison au Théâtre Olympia, avez-vous des peurs ou des envies ?

Des envies il y en a beaucoup, des peurs pas trop. Je ressens plutôt de l’excitation, du désir que ça démarre, de dévoiler ce qu’on a préparé. Il y aura des espaces de rencontres notamment autour des grands weekends qui vont jalonner la saison 2024-2025 : on a émis des hypothèses, est-ce que ça va vraiment rencontrer le public ? On espère, et on fait tout pour ! Mais on verra comment ça se passe dès le 1er weekend qui sera celui de l’ouverture de saison(du 6 au 8 septembre). On va à la fois présenter une pièce, qui est une pièce historique de mon travail (Longueur d’Ondes, histoire d’une radio libre) mais aussi organiser autour de cette pièce des ateliers, des repas, des lectures… On a proposé à l’association du Bar bidule de venir au Tº, pour donner un signal fort : les jeunes spectateurs, les enfants sont aussi les bienvenus au théâtre ! Ateliers pour enfants, vide-dressing, vente de jeux, lectures d’albums jeunesse… J’espère donner à travers ce premier week-end un certain nombre de signaux forts de ce qu’on souhaite faire évoluer dans l’ADN du Tº.

Cette pièce, Longueur d’ondes, vous l’avez choisie car elle est emblématique de votre travail ? Ou pour sa thématique, autour d’une radio libre qui défend le monde ouvrier ?

Vraiment les deux ! Et elle n’a jamais été jouée à Tours, même lorsque j’étais artiste associée au Tº. Avec ses enjeux esthétiques et théâtraux, c’est une manière de me présenter aux gens qui ne connaissent pas mon travail. Et cette pièce s’inscrit dans les thématiques qui me tiennent à cœur : l’émancipation par l’art et la culture, et par la parole. Ce sont des choses auxquelles je crois beaucoup. Il y a beaucoup de voix qu’on n’entend pas, parce qu’on ne leur donne pas la parole. Cette radio, c’est une aventure humaine, collective et politique. Et jepense que c’est un peu la vision que j’ai d’un théâtre public : une aventure humaine, collective, artistique et politique. 

On découvrira aussi cette saison votre mise en scène de Rhinocéros de Ionesco : un monde où les gens deviennent peu à peu des rhinocéros, métaphore de la propagation du fascisme. L’actualité de juin-juillet avec l’avancée du RN donne de l’écho au propos.

J’ai décidé de monter cette pièce que Ionesco a écrite ne 1959, suite à l’élection de GiorgiaMeloni en Italie. Finalement 1959, c’était les débuts de l’Europe, et je trouvais intéressant de me mettre en dialogue avec cette question de la montée des nationalismes que Ionesco décrit dans la pièce. Il me paraissait intéressant de regarder ce qui se passe en Europe aujourd’hui. Je ne pensais pas que ce serait si rapidement aussi proche de nous.

Cela vous a-t-il donné envie de modifier votre mise en scène ?

Oui. J’ai travaillé sur une adaptation de la pièce, on a coupé un certain nombre de scènes et de répliques. Suite aux élections européennes et législatives, j’ai eu envie de réintégrer une réplique que j’avais coupée.

Je suis contente d’avoir monté cette pièce, surtout que je l’ai fait dans désir de m’adresser à la jeunesse, notamment en faisant un choix de distribution assez franc : tous les personnages de la pièce sont des jeunes gens, joués par des jeunes acteurs. Dans la pièce de Ionesco, un personnage s’appelle « le vieux monsieur » : je n’en ai pas tenu compte et j’ai choisi un jeune homme pour l’incarner. Pour essayer de faire en sorte que les spectateurs puissent s’identifier à ces questionnements, sans avoir l’impression que ça se passait dans le monde de leurs grands-parents. Et ça marche très bien.

On retrouve dans cette mise en scène de la danse, de la musique, vous aimez mélanger les arts ?

Il y a toujours un croisement dans mon travail entre un texte, un dispositif scénique (souvent inspiré d’une œuvre plastique) et la musique. Pour Rhinocéros, la musique n’est pas en live, mais elle a été composée par Antonin Leymarie, qu’on pourra retrouver en concert au Petit Faucheux. Quant au dispositif scénique, c’est un grand mur de 8 mètres sur 4, un empilement de cubes de céramique blanche de 15cm de côté, comme des pixels, façon Minecraft. Les cubes peuvent se transformer en chat (écrasé par les rhinocéros) ou devenir rhinocéros, c’est un peu un grand théâtre de marionnettes ou d’objets. Et la structure peut aussi se fragiliser, casser, tomber… A travers cette céramique je souhaitais exprimer la fragilité de l’édifice social, ouvrir la réflexion sans s’enfermer dans du didactisme.

 Quel défi souhaitez-vous relever en prenant la direction du Tº ?

Essayer de renforcer le travail avec les quartiers appelés QPV (Quartiers Politique de la Ville), déployer des dispositifs, comme le projet mis en place avec une association du Sanitas pour « parcours de spectateurs ». Cela passe aussi par une partie de la programmation qui aura lieu hors-les-murs, pour tenter d’aller toucher d’autres publics, en allant jouer près de chez eux. Une première étape pour leur donner envie de venir ensuite franchir notre porte.

A ne pas manquer : week-end d’ouverture du Tºdu 6 au 8 septembre.

Saison et réservation : cdntours.fr

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