Publié dans le PROG n°212 de Mai 2024
« Si vous avez votre propre son, ça marche »
Le groupe anglais fête ses trente ans. Steve aka Chandrasonic, l’un des membres fondateurs, nous en dit plus sur l’histoire de ce collectif pas comme les autres.
Lorsque vous avez créé Asian Dub Foundation (ADF) en 1994, pensiez-vous être encore là 30 ans plus tard ?
Je crois qu’on s’est mis ensemble naturellement et qu’on ne réfléchissait pas à ce qui passerait même six mois plus tard. Mais d’un autre côté, Asian Dub Foundation s’est formé dès le début sans superstars, sans individualités qui prennent l’ascendant : c’était un concept. Et un concept, ça peut durer longtemps, et évoluer au fil du temps.
C’est le secret de votre longévité ?
Oui, le fait que le groupe soit avant tout un projet artistique, et ait son propre son. Si vous avez votre propre son, ça marche, et la particularité d’ADF c’est sa capacité à absorber d’autres influences, à évoluer, sans que cela nous empêche de continuer à avoir notre son. C’est là-dessus qu’on est en ce moment : tester de nouvelles manières de faire les choses, sans perdre ce qui fait le son ADF, c’est très excitant ! Et je crois que, même si on a trente ans de plus, on arrivera à s’imprégner de nouvelles idées et évoluer.
ADF, groupe engagé ?
Le groupe a toujours été sensible aux questions sociopolitiques et à la lutte contre le racisme au Royaume-Uni : la situation a changé chez vous en trente ans ?
Oh oui ! Ça a énormément changé ! C’est aujourd’hui plus compliqué… et bien pire qu’avant. Nous combattions les idées d’extrême-droite. Aujourd’hui l’extrême-droite s’est normalisée, et le parti conservateur est plein de gens qui en réalité propagent ces idées. Et c’est un phénomène commun aux démocraties européennes malheureusement. Je crois que les gens ne s’en rendent pas compte.
Et quelle est la position d’ADF dans tout ça ? Vous voulez dénoncer ce qui se passe ? Décrire ? Militer ?
Nous sommes des musiciens. Donc on écrit et on compose ce qu’on ressent. Personnellement, je suis quelqu’un de très concerné par la politique, donc cela se ressent dans ce que j’écris. Ce n’est pas le cas de tous les artistes, certains ont peur d’exprimer ce qu’ils ressentent, ou préfèrent écrire pour conquérir un marché. Donc bien sûr, ADF sera toujours un groupe qui reflète la situation politique. Mais nous n’avons pas non plus pour objectif d’écrire un manifeste politique ou un livre, nous ne sommes pas un parti politique. C’est quelque chose dont les gens n’ont pas toujours conscience à notre sujet.
Au fil de l’histoire du groupe, vous avez eu l’occasion de proposer des bandes-son pour les films La Bataille d’Alger et La Haine : pourquoi ces films en particulier ?
Nous avions envie de proposer une bande-son en live, un ciné-concert, à partir d’un film existant. On a cherché sur lequel on pouvait travailler et La Haine s’est imposée, car il y a une vraie connexion entre le film et le groupe, à travers l’émeute qu’on voit en scène d’ouverture. Pour nous, cela faisait écho à l’émeute qu’on évoquait dans un titre de notre tout premier album TH9. On en a joué une version instrumentale, basée sur l’action, à la place de la musique de Bob Marley choisie par le réalisateur pour ses paroles. Quelques années plus tard, le producteur du Brighton Festival nous a proposé de travailler sur La Bataille d’Alger. Au début on a dit non ! Il a insisté et on a fini par accepter. Cela nous a amené à jouer ce ciné-concert au Musée de l’Immigration à Paris, en 2020, c’était incroyable ! Je crois que ces projets font parties des meilleures choses qu’Asian Dub Foundation ait faites !
A Aucard de Tours, c’est la tournée des 30 ans : ça a été difficile de choisir les morceaux que vous nous jouerez ?
Pas vraiment, vous savez ce sont des morceaux qu’on a l’habitude de jouer depuis longtemps !
Un conseil pour nos lecteurs ?
Des bonnes baskets, pour danser !
