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"Elle" est un autre

Épisode 9 - Prog

"Vous êtes bien sur le répondeur de Ron, suis pas là, mais laissé moi un message... BIIIIIIIP”

“C’est Olivier de prog.  S’il te plait répond moi, j’ai lu ton dernier article, c’est pas possible, il te reste deux articles, juste deux. Là tu nous mets dans la galère, Ron ! Merde …"

 

Vous avez un troisième message

“Ron, c’est Olivier, on va boucler le numéro de rentrée s’il te plait.. Faut pas finir comme ça, c’est pas possible.  Rappelle moi.... s’il te plait. Rappelle moi.  “

 

Un autre, encore, “Supprimer”. Je passe.

Ce matin à Dix heures trente-quatre.

“Ron, faut que tu viennes, faut que tu viennes, on s’est fait attaquer cette nuit. Rappelle-moi”

“Supprimer”

 

  • C’est quoi ?

Sonia prépare ces cartons de livre, pour la prochaine brocante, du côté de Ste Maure. Pas une journée sans vendre sur un marché, sur internet, sur Facebook, elle est aussi sur la place face au Hall. Sonia charbonne du soir au matin. Sa petite affaire ne tient sur rien. Elle peine à boucler les fins de mois, trime comme une malade. Elle ne sort même pas un salaire. Elle est passionnée.

J’imaginais pas la vie de bouquiniste aussi intense. Elle a acheté un lot de trois cent bouquins hier, elle est déjà en train d’en dégager une vingtaine. Elle répond aussi à une commande d’un client régulier sur internet, elle a ses réseaux sociaux, elle est sur plusieurs sites marchands. Toujours le nez sur son écran. Là, on lui demande des Polar … Des 10-18.

Mon dernier papier a semble-t-il fait son petit effet. Elle a de nouveaux clients, on cherche à me rencontrer.

  • Tu devrais y aller.

Elle me parle d’Olivier, de prog. Après tout, je n’ai rien dit, il a lu l’article, comme une lettre de démission, il a appelé tous les jours, il l’a même publié comme je lui avais demandé.

Marre aussi que je traine des pieds à la regarder, à rien foutre.

Pas la force, puis suis un peu flémard, j’aime bien voir les autres bosser, j’aime surtout me plaindre, trainer au pieu. La vie quoi.

Olivier ?
Prog ? Le rappeler. Pas le courage. 

  • J’ai pas envie.

Juste j’ai la trouille.

  • Il était comment au téléphone ? Le message ?

Elle cherche à savoir. Je soupire. Elle bouillonne. Sonia, veut écouter. Elle dépose sa pile de bouquin, s’éponge le front. Il fait une chaleur de malade dans son appartement en rez-de-chaussée. Je lui tends l’appareil.

“Ron, Please... tu dois venir. C'est grave là ! “

Elle le devine alors inquiet, plus qu’en colère, il s’est passé quelque chose pour qu’il t’appelle comme ça.

  • On y va ! Elle me lance.

Elle a terminé sa préparation de commande.

  • Mais ton boulot.

Elle va prendre le temps, elle me propose de venir avec elle, de me tirer de là.

  • Je sais pas...
  • Ron ! On y va. Elle s’agace.

 

Quand on arrive rue Francisco Ferrer, je comprends tout de suite le malaise. La porte de Prog est couverte d’une bâche bleue, maintenu par du chatterton.  J’appuis à l’interphone, tente voir ce que peux cacher le plastique,

“Oui, c’est pour quoi ?” fait la voix nasillarde du haut-parleur.

  • C'est Ron.

“Ron ?”

  • Ron.

“Ron !” Puis ça racroche. Net. 

On ne nous ouvre pas, on entend du bruit dans les escaliers, un claquement dans la serrure, Olivier apparait :

  • Ron mon pote !

Il me presse comme du bon pain, voit derrière Sonia, comprend que c’est elle. Il ne l’imaginait pas comme ça, si.... vieille, il n’ose pas dire.

Ou si...  Bref

Il en dit pas plus, comprend que le sujet peu vite déraper.

  • T’as vu ?
  • Quoi ?
  • La porte.
  • Elle est bâchée.

Merde ! Il tire alors sur le plastique, dégage, les gros bouts de scotche là. Y se débat comme un âne, on croirait le capitaine Haddock.  Y tire la bâche : Un graffiti. Bim !

Il apparait un “Elle”. Authentique, certainement un visage en colère, celui d’une femme chauve, celui d’une femme replie sur elle-même, elle fixe le spectateur.
Superbe...
Sonia n’en revient pas. Elle va pour prendre une photo, qu’Olivier refuse, il explique qu’il veut la garder pour le journal, la publier dans la journée, sur le web : Le retour d’Elle. Ou comme un battement d’Elle”. Il n‘a pas le titre. 

Il pense même en faire comme un épilogue papier, pour la prochaine parution du Prog.

Mais avant, il me voir.  Pourquoi ?

Olivier qui tape sur la porte :  

  • Parce qu’”Elle” t’en veut ! C'est un message.
  • Un message.
  • Elle vient directement peindre sur la porte du magazine, si tu ne comprends pas qu’”Elle” est en colère.

Il a peut-être raison.

  • Comme jack l’éventreur, le mec il envoyait des messages dans les journaux, Elle vient te provoquer jusqu’à la porte de Prog.

Il en fait peut-être un peu trop là. Olivier attend un ultime papier. Quelques lignes pas plus. Il cherche une réaction. Je dis rien. Me sent vide. Me sent trop petit face à ce dessin. Tout cela me dépasse. Olivier le sent bien, il soupire. Tout ça pour ça.

Suis désolé.  Je peux pas.

  • C'est quoi ce qui est écrit en bas ?  Demande Sonia Qui scrute une minuscule inscription au marqueur.

Un code..

Une suite de lettre, un chiffre. Un code.

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