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"Elle" est un autre

Épisode 3 - La meute / Le Bateau Ivre

Une semaine après. Deux articles pourtant confus, et l’impression que ça s’emballe autour d’”Elle”. La NR, qui me contacte, Info Tours, puis 37 degrés, des médias locaux, la Tribune aussi. Je réponds à personne. 

Ça me gave. 

Surexcité, Olivier qui m’explique que ça grouille de partout.  Mes papiers cartonnent sur le web, même TV tours qui rapplique. 

France bleu au téléphone. 

Impossible de retourner boire mon blanc sec au Bergerac, suis obligé de changer de crèmerie. 

“Elle” a continué de publier aussi. Le graffeur a lâché une nouvelle esquisse, le dessin rapide d’un visage de femme. Toujours le même j’ai l’impression. Suivi d’un poème. Des paroles surtout. 

“Malade d’amour

Chienne de vie

Illusion sourde

Souffrance, éprise, prise

Surprise, crever 

Sans toi, loin de toi

Mon amour”

 

C’est de vous ? 

Les paroles, je les ai retrouvées ailleurs. 

Enfin, on m’a aidé. Un commentaire sur mon dernier article, avec le passage en entier, celui d’un slam improvisé, suivi d’un lien sur You tube, retranscrit par un passionné. Une des soirées filmées au Bateau Ivre, celle organisée par l’association La meute. 

J’ai posé rendez-vous sur place, justement, des siècles que je n’étais pas revenu là, des souvenirs enfouit, des concerts des années 90... Bouffée mélancolique d’un lieu mythique ressuscité par des passionnés militants. Une aventure de pirate, devenu contrebandiers, puis matelots avant de naviguer pour de bon. 

La slameuse s’est présentée la Hyène  

Une femme.  La soixantaine, passionnée, ouvrière, puis femme de ménage, en arrêt maladie depuis des mois, elle a le dos cassé. Elle chante, elle passe du temps à garder ses petits-enfants. Se dit libre. Elle slame aussi. 

“Elle”... 

Elle dit voir les fresques ici ou là. “Il y en a de plus en plus”.

Cela me rassure, comme si j’étais sur la bonne voie. Comme si cela se confirmait :  “Elle” est une femme, pas seulement un homme qui gafferait au féminin. 

Une femme c’est sûr me confirme cette poète. Un peu nerveuse. 

  • C'est de vous ? Je demande. 

On sait jamais. 

Je tente. Elle m’écoute à peine. Je commande une bière, un thé pour elle. J’ai noté quelque part sur un bout de papier fripé les vers de son texte. Je lui lis. 

Elle reconnait, dit l’avoir improvisé, il y a trois ou quatre mois, elle explique qu’elle ne note rien, ne pense à rien, certains spectateurs filment les performances. Des années qu’elle fait cela, qu’elle déclame. 

  • L’idée est venue de quoi ? 
  • Me souviens pas...  Si cela remonte à longtemps 2000 peut-être avant... On parlait de la fin du monde. 

Elle se remet dans l’état, elle se remet le soir, elle ne me parle de personne, de rencontres son inspiration vient de conversation, de rencontres, de belles personnes des inconnus, qu’elle croise dans la rue.  

  • Je pompe la réalité. Je ne fais que témoigner en rime. 

C’est beau. Elle parle comme elle slame, elle a le vague à l’âme, elle danse avec les verbes. Son sourire marque comme une grimace. 

  • Ce soir-là j’avais mal. Un peu comme c’est peinture, c’est graffiti, il exprime beaucoup de chose, des trucs bien plus profonds que des coups de sprays. 

Cela la touche. 

Elle m’explique être allé voir, comme d’autres. Chasser les portraits. Elle me parle des articles, de la télévision qui s’est déplacé. Quinze jours que mes papiers font des petits, un feuilleton de l’été, même qu’on parle d’une page Instagram, avec des chasseurs de portraits. 

Des liens existent. 

  • Ces visages parlent à tout le monde, on peut s’y retrouver. 

Elle se souvient d’un en particulier, plus précis, plus troublant que les autres. 

Lequel ? Je demande

Elle ne se souviens que de ses yeux. Une femme c’est sûr. 

  • Vous connaissez Rimbaud ? 

Je comprends pas l’allusion. 

Dans une lettre à Georges IZAMBARD, datée du 13 mai, il écrit :
« Je veux être poète, et je travaille à me rendre Voyant : vous ne comprendrez pas du tout, et je ne saurais presque vous expliquer. Il s’agit d’arriver à l’inconnu par le dérèglement de tous les sens. Les souffrances sont énormes, mais il faut être fort, être né poète, et je me suis reconnu poète. ».

Elle me regarde alors. J’avale le fond de ma bière. J’ai décroché.  Trop long, trop perché. Cela devrait m’aider ? 

  • Elle est un autre. Qu’elle murmure.

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