L'interview de Nathalie Dessay

Publiée dans le PROG ! nº176-177 de janvier-février 2021

« Jouer, sans chanter, c’est un autre métier »

Délaissant l’opéra, Natalie Dessay lui préfère la chanson française et le théâtre. Elle nous en avait dit un peu plus au printemps 2020, avant le concert qui se tiendra finalement en 2021.

Vous avez deux projets en cours : l’un autour de Nougaro, et l’autre, qu’on verra en Touraine, avec les chansons de Michel Legrand. Quel est pour vous le lien entre ces deux artistes ?

Ils ont fait une vingtaine de chansons ensemble, donc il y en a énormément ! Le chemin de l’un à l’autre a été pour moi naturel, c’était comme passer d’un frère à un autre.

D’autres chanteurs ou chanteuses figurent à leurs côtés dans votre panthéon personnel de la chanson ?

A ce point, non. Pour de prochains projets, j’ai envie d’explorer l’American Songbook, et je prépare quelque chose autour de Duke Ellington. J’adore aussi la comédie musicale… Mais pour la chanson française, Claude Nougaro et Michel Legrand sont parmi ce que je préfère : il y a la beauté des textes, la façon de faire swinguer le français, et l’amour du jazz, que je partage car j’en écoute beaucoup.

Quitter l’opéra pour vous aborder la chanson, cela a été compliqué ?

Je ne m’en soucie pas. Je pratique assez bien la politique de l’autruche : ce que je ne vois pas n’existe pas ! Donc je trace mon chemin, que ça plaise ou non. J’ai par exemple changé de maison de disque pour le projet autour de Michel Legrand, car celle où j’étais tardais trop. Je vais là où les gens sont enthousiastes.

Jouer dans UND à Tours, sous la direction de Jacques Vincey, a été un tournant dans ce changement de cap ?

La rencontre avec Jacques Vincey et Vanasay Khamphommala a été déterminante. Sans cela, je n’aurais peut-être pas persévéré dans le théâtre. Jouer, sans chanter, c’est un autre métier pour lequel je me forme, je suis des stages. J’ai joué dans deux autres pièces et j’en ai d’autres en projets, et je tiens à continuer d’apprendre. C’est passionnant.

Et avoir l’expérience du chant lyrique vous aide à désormais être comédienne ?

Disons que je sais ce qu’est une scène, ou incarner un personnage. Mais chanter à l’opéra n’a rien à voir avec le fait d’être acteur. A l’opéra, tout est dicté par la musique, au théâtre il faut tout inventer ou réinventer. La marge de manœuvre, de création est beaucoup plus grane… ce qui rend les choses plus difficiles ! Pour le chanteur d’opéra, ce qui est difficile c’est apprendre et savoir chanter. Une fois que vous savez chanter, la musique dit beaucoup chose. Apprendre à jouer est pour moi quelque chose de beaucoup plus intangible.

Qu’est-ce qui vous a poussé à laisser de côté l’opéra ? Vous en aviez fait le tour ?

J’avais une voix très légère qui me cantonnait au même type de rôle, et comme le jeu m’intéressait, j’ai fini par être frustrée. Le théâtre m’offre plus de possibilités… si tant est que j’arrive à jouer dans des pièces intéressantes.

Et le cinéma fait partie de vos projets ?

Je passe des castings. J’aime bien l’idée d’incarner un personnage, y compris au cinéma, car c’est l’incarnation qui me plaît. Ce qui me passionne finalement, en chantant des lieder avec le pianiste Philippe Cassard ou du Michel Legrand, ou en jouant un personnage dans une pièce de théâtre, c’est de raconter une histoire à des gens venus pour se laisser emporter par cette histoire.

Vous verra-t-on un jour écrire vos propres histoires ?

Pas du tout ! Je n’ai pas les mots pour cela, et c’est parce que je n’écris pas que je m’approprie les mots des autres !

Natalie Dessay & Pierre Boussaguet Quartet, « Legrand enchanteur » le 18 février à Saint-Avertin – ville-saint-avertin.fr.

Ses projets sur www.nataliedessay.fr.

PHOTO ©Simon-Fowler

Interview publiée dans le PROG ! nº176-177 de janvier-février 2021.

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