« Être sur scène, soir après soir »
Auteur et comédien de La Machine de Turing, pièce récompensée de quatre Molières en 2019, Benoit Solès fait revivre sur scène le savant britannique Alan Turing.
Lorsque vous écriviez cette pièce, vous aviez déjà envie de l’interpréter ?
J’avais vraiment le désir de porter ce personnage du mathématicien Alan Turing sur scène. C’est un peu le comédien que je suis qui a pris la plume pour s’écrire son rôle. J’avais le désir de contribuer à la réhabilitation de Turing avec cette pièce.
Vous avez choisi d’aborder le sujet de son homosexualité, qu’on ne retrouve pas aussi présent dans le film The Imitation Game (avec Benedict Cumberbatch) ?
La sortie du film m’a fait momentanément abandonner le projet vous savez ! C’est un très bon film, l’acteur est extraordinaire, tout comme la reconstitution historique. Mais j’étais frustré de voir que la question de son homosexualité, son bégaiement ou son possible autisme soient si peu traités. Cela m’a motivé à faire aboutir mon projet de pièce pour rendre hommage à cet homme, dont une partie de l’existence était passée sous silence. Son homosexualité mais aussi sa condamnation à la castration chimique, qui a probablement mené à son suicide. La pièce ne traite pas que de cela, mais elle présente l’homme tout entier : le génie mathématique, ses travaux, et sa vie privée, car je pense que la situation personnelle d’un homme peut parfois éclairer ses choix professionnels. Et parler de l’homme permet aussi de rendre ce génie plus accessible.
Et ça marche puisque le public est au rendez-vous ! Quatre Molières, en tournée et à Paris depuis 2018… il reste encore des choses à accomplir après cette pièce ?
Relever le défi d’écrire une autre pièce, ce que j’ai pu faire avec La Maison du loup qui part bientôt en tournée. Et je veux continuer à jouer et porter au plus haut La Machine de Turing, d’autant que maintenant il y a une attente, du fait des récompenses et de la notoriété de la pièce, donc il faut être à la hauteur à chaque fois. Les récompenses sont formidables, mais l’essentiel, c’est être sur scène, soir après soir.
Et pour vous, qui la jouez depuis maintenant quatre ans, le plaisir est toujours le même ?
C’est vrai que depuis sa création en 2018 et le festival d’Avignon qui a suivi et a été un vrai déclencheur, il y a plus de 700 représentations (dont 250 en tournée). Ce sont des chiffres un peu record, et sans être prétentieux, cela me rend fier car c’est un spectacle populaire, mais aussi exigeant avec son histoire d’un mathématicien, les questions de droits humains, l’atmosphère de la seconde guerre mondiale. Mais soir après soir, même au bout de quatre ans, le spectacle est différent, comme tout spectacle vivant, selon l’alchimie qui se crée avec le public. Quand je vois l’émotion à la fin des spectacles, les échanges avec le public, ça me donne le désir de continuer l’aventure. Et pouvoir porter le message de tolérance et défendre la réhabilitation d’Alan Turing, ce sont deux choses dont je ne me lasserai jamais.
On peut ajouter au nombre de représentations le fait que la pièce a été publiée dans la collection Carrés classiques de Nathan, ces petits livres utilisés au collège et au lycée !
C’est tout sauf anodin : cela met à la portée des lycéens ce texte, et beaucoup de jeunes viennent dans le cadre scolaire ou en famille découvrir la pièce. Cela donne lieu à de beaux échanges avec eux, c’est peut-être ce dont je suis le plus fier.
Et vous, vous avez une pièce qui vous suit, que vous pouvez relire sans vous lasser ?
Je relis de temps en temps des vers de Cyrano, et il y a dans cette pièce une magie, quelque chose de flamboyant, de beau, drôle et tragique à la fois. C’est une pièce extraordinaire !
Bonne lecture ! Et rendez-vous le vendredi 10 mars à Chambray-lès-Tours pour voir La Machine de Turing.