Publié dans le PROG n°212 de Mai 2024
« Regarder la vie comme un terrain de jeu »
On l’aimait tellement dans la Nouvelle Star ou sur France Inter qu’on a envie de l’appeler Dédé. En oubliant presque qu’il est avant tout pianiste.
Juré à la télé, chroniqueur radio, présentateur d’une émission sur les châteaux de la Loire… Vous nous donnez l’impression d’enchaîner des projets super variés, en toute liberté !
Mon activité principale, ça reste d’être musicien. Je n’ai jamais considéré la télé ou la radio comme une carrière. Mais c’est intéressant de s’intéresser à la musique des autres quand on est musicien. Des très grands le faisaient à leur époque : Debussy était critique, sous le pseudonyme de Monsieur Croche. Tenez, je viens de regarder une masterclass sur Stravinsky, avec un prof qui décortiquait le Sacre du Printemps, c’était passionnant ! Je reste un éternel apprenti et amoureux de la musique, je n’en ai jamais assez ! Et pour ce qui est de la radio ou la télé, j’y découvre de nouvelles manières de parler, de toucher les gens… Ce sont d’autres terrains de jeu. Je crois qu’il faut regarder la vie comme un terrain de jeu !
Vous avez même écrit un livre, Les Pouvoirs extraordinaires de la musique. Quel est son pouvoir le plus impressionnant ?
Ça reste un mystère. La musique transmet des émotions, sans que ça passe par la tête. C’est un paradoxe quand on sait tout l’apprentissage rigoureux qu’il y a derrière. Pour faire du jazz on n’est pas loin des maths ! Mais à la fin c’est l’émotion qui doit gagner.
Et vous arrivez à chaque fois à déconnecter le cerveau pour être dans l’émotion ?
C’est du boulot ! Je bosse tous les matins comme un chien ! Un musicien qui vous dit qu’il a tout compris, c’est que c’est un naze. Je suis un jazzman sur Instagram, il poste des vidéos de trente secondes ou une minute. Je mets deux mois à reproduire ce qu’il propose ! Et c’est peut-être la magie de notre époque et ses réseaux : on apprend toujours.
À Veigné, ce sera Gainsbourg par Manoukian
Comment avez-vous sélectionné les chansons que vous proposez dans votre album et vos concerts autour de Gainsbourg ?
Ce projet, c’est une commande que m’a faite un label, en me disant « on veut que tu joues comme un pianiste de bar, car c'est comme ça qu'il a commencé ». J’ai donc repris des chansons de sa période bleue, sa période jazz. Et je suis même allé plus loin que sa période bleue, en prenant d’autres chansons de lui, sans les « jazzifier », car en réalité elles sont déjà jazzy dans leur composition. Quand vous prenez une chanson de Gainsbourg, vous réalisez que les accords sont extrêmement riches et nourris par la culture jazz, même s’il en a fait du rock ou du reggae. Il avait un rapport entre mélodie et accord très intéressant, à la manière d’un Cole Porter français.
Et quelle forme prend le concert ?
Je suis accompagné par trois ou quatre chanteuses, et vous me connaissez, je suis assez bavard donc je ne peux pas m’empêcher de parler entre les chansons. J’aime guider les gens, pour leur offrir une plus belle manière d’entrer dans la musique. Le public retrouve les mélodies de Gainsbourg, mêlée d’un jazz à la fois expressif et atemporel. On n’a pas trituré les chansons pour les emmener ailleurs : c’est fidèle au texte tout en amenant de la modernité grâce aux interprètes et à l’émotion qui se dégage du live. Quand tout le monde chante La Javanaise, y compris le public, c’est un grand moment. Et ça prouve une fois encore l’importance de Gainsbourg comme compositeur !
Et avant de monter sur scène, votre dernière action c’est… ?
Je bois un verre d'eau, j’ai toujours de l'eau à portée de main. Même si j'ai déjà bu un litre avant. C’est mon dernier verre avant la scène !
« J’en mange de la Touraine en ce moment ! »
Vous animez sur France 3 Région Centre Val de Loire une série d’émissions « Château ! » où vous visitez des châteaux un peu partout dans la région…
J’en mange de la Touraine en ce moment ! Je raconte les routes de la musique, et finalement l'histoire de la musique rejoint la grande histoire. C’est même plus sympathique que la grande histoire car on parle souvent dans cette émission des hommes et des femmes en temps de paix. Bien sûr je ne suis pas historien, donc je pose des questions, et je rencontre l'histoire de notre pays. J'apprends plein de choses !
La Loire a parfois été une frontière, de nombreux châteaux étaient des places fortes. Et il y a aussi de belles histoires avec des figures de femmes fantastiques, comme Catherine de Médicis, Diane de Poitiers et plusieurs autres… Et des histoires d'amour aussi ! L’émission me permet de visiter des endroits incroyablement beaux. Et l’époque de la Renaissance me parle aussi car c’est une époque où l’Orient rejoint l’Occident, les Grecs réfugiés en Italie après la chute de Constantinople participent à l’apparition de la Renaissance italienne. Je suis ravi car pour France 3 je rencontre des gens passionnés qui me racontent des histoires passionnantes !
Vous avez un endroit préféré ?
Le château de Cheverny m’a laissé sur le c… ! Pas seulement car il a inspiré le Moulinsart de Tintin, mais aussi car il a quelque chose de magique, y compris dans l’accueil que m’ont réservé Charles-Antoine et Constance de Vibré, qui tiennent ce château avec passion. J’ai été surpris de découvrir que les châtelains sont des entrepreneurs du spectacle finalement : ils font vivre les châteaux en les ouvrant au public, ils ont un vrai rapport aux gens et des problématiques artistiques. Les lieux c’est bien, mais les personnes, c’est mieux !
Ça vous a donné envie de jouer dans ces lieux magiques ?
Gagné ! Je serai le 13 juillet 2024 à Beaugency (dans le 45), où il y a un jeune châtelain qui a fait de cet endroit queqlue chose d’incroyable, ave des installations électroniques. Et je vous avoue que j’aimerais lancer un festival dans les châteaux de la Loire.
Eh bien on dit « en mai fais ce qu’il te plaît ! », un dicton qu’on aime bien. Et vous, c’est quoi votre dicton ou mantra du moment ?
« Tiens bon, ça va bien se passer ! »
