François Morel

Publié dans le PROG! n°174-175 de novembre-décembre 2020

« Devos était un homme de music-hall »

Au pays des Devos de l’Humour, François Morel se devait de revenir avec son spectacle J’ai des doutes où il rend hommage au maître des jeux de mots… mais pas que !

Qu’est-ce qui vous a poussé à créer ce spectacle autour des textes de Devos ?

De moi-même j’en n’en aurais pas eu l’idée. Tout est parti d’une proposition de la productrice Jeanine Rose qui m’a dit « Devos est mort il y a dix ans, on l’oublie un peu, ce serait bien de lui rendre hommage ». Nous avons donc créé une lecture-spectacle, dans un format simple avec le pianiste Antoine Sahler. En redécouvrant son efficacité comique et poétique extraordinaire, j’ai trouvé dommage d’arrêter là et j’ai voulu approfondir le sujet.

Son humour est toujours d’actualité ?

On le réduit trop souvent à l’image d’un monsieur qui faisait des jeux de mots derrière un micro à la télévision, mais il était bien plus : c’était un homme de music-hall, mime, comédien, jongleur, musicien, qui se servait de tout ce que la scène pouvait offrir pour proposer un spectacle généreux. Et ses textes n’ont pas bougé, car il n’était pas chansonnier, à traiter l’actualité : il évoquait Dieu, l’existence… des questionnements qui traversent le temps.

Vous vous réappropriez ses textes dans ce spectacle, en y apportant votre touche personnelle ?

J’essaie de ne pas l’imiter. J’ai pioché dans ses textes en essayant de rendre son esprit, et on a décalé certaines choses, en mettant en musique certains textes par exemple, notamment ceux qui sont très connus. Je ne m’interdis pas quelques improvisations, en retrouvant le jeu qu’il pouvait avoir avec son pianiste. Cette relation était très importante dans ses spectacles, et nous essayons de la retrouver.

Vous venez de publier le Dictionnaire amoureux de l’inutile co-écrit avec votre fils Valentin : il existe des choses totalement inutiles ?

Non, je ne crois pas ! Et c’est un dictionnaire « amoureux », donc on n’y mettra pas le covid… Au fil des échanges avec Valentin, nous avons exploré le rapport entre l’inutile et l’indispensable. Les parenthèses dans les romans de Philippe Jaenada, on peut penser que ça ne sert à rien pour l’histoire, mais cela fait tellement partie de son style, qu’elles en deviennent indispensables. Et faire des ricochets sur l’eau, c’est inutile, mais c’est aussi un moment de douceur dans une relation père-fils…

Vous publiez aussi un livre à plusieurs mains, Tous les marins sont des chanteurs, écrit avec Gérard Mordillat et Antoine Sahler. Cette biographie du marin Yves-MArie Le Guilvinec confirmerait-elle votre goût pour les talents du passé ! Qu’est-ce qui vous a plu dans ce projet ?

Je suis tombé sur un vieux recueil dans un vide-greniers, et j’ai aimé lire les mots de Le Guilvinec. C’est un raccourci de la vie extraordinaire : un marin qui parlait parfois naïvement des choses qui le touchaient, mais autour de sujets qui nous concernent tous, des choses humaines, comme la séparation et le retour (du marin qui partait pour 9 mois en mer).

Vous avez d’autres projets en préparation ?

Je n’en ai pas fini avec Devos, qu’on me demande encore, et la tournée Tous les marins… démarrera sur 2021 (si tout va bien). Au cinéma j’ai eu le plaisir de tourner dans un film adapté d’une BD de Fab Caro, Le discours : un film très drôle, plein d’imagination dans la mise en scène, qui réussit à adapter une BD que je pensais inadaptable… Et le réalisateur Laurent Tirard a relevé le défi, et c’est très réussi !

Juste avant de monter sur scène à l’espace Malraux, que ferez-vous ?

En général je récite mon premier texte dans ma tête ou à voix basse, en ayant un œil sur le public, derrière le rideau. Et je dis une bêtise à mon pianiste… parfois même une grossièreté !

J’ai des doutes le 15 décembre 2020 à l’espace Malraux, Joué-lès-Tours - espacemalraux.jouelestours.fr

L’artiste : francoismorel.com photo ©Manuelle Toussaint