L'interview de Trust

Publiée dans le PROG ! nº184 de octobre 2021

« On est tout sauf figés »

Avant le passage en Touraine du mythique groupe Trust, Bernie Bonvoisin nous éclaire sur l’état d’esprit de la bande.

Après deux albums inédits en 2018 et 2019, le projet « Recidiv » reprend d’anciens titres du groupe. Un coup de nostalgie ? Tout cela a bien vieilli ?

Les morceaux ont été réarrangés, et 60% des textes ont été réactualisés. Donc la plupart des morceaux qu’on propose avec Recidiv n’ont en fait jamais été jouées comme ça, même si la version d’origine a 40 ans.

Et votre musique est-elle toujours d’actualité ?

On ne cherche pas à être d’actualité. On joue du rock, on fait de la musique depuis 40 ans, sans chercher à être un phénomène de mode. Si on considère que la mode est le signe infaillible de la médiocrité, ça ne nous intéresse pas d’en faire partie. On fait des choses, si on est en phase avec le monde, tant mieux, si ça plaît, tant mieux aussi, et si ça ne plaît pas, tant pis. Trust n’est pas une attraction de foire, et on n’est tout sauf figés. On n’a jamais eu l’intention de surfer sur le succès qu’on a eu il y a 30 ou 40 ans. On se remet constamment en question.

Et le secret de cette longévité c’est d’avoir chacun vos vies artistiques en parallèle de Trust ?

Ça nous permet d’aller chercher d’autres choses à côté, c’est sûr, et ça vient enrichir le projet. Là non plus, rien n’est figé. Il me semble qu’il y a deux choses essentielles dans la vie : rester curieux, et garder une capacité d’émerveillement aux êtres et aux choses. Le reste, c’est de la littérature.

Et faut-il garder une capacité de révolte ?

Il faut rester vigilant je crois, être en colère. Mais pas en colère pour tout casser ou tout brûler. Et sans tomber dans une indignation à géométrie variable.

Ce n’est pas usant de maintenir cette colère si longtemps ?

Il n’y a rien de lassant là-dedans. Je le vois avec d’autres projets que je mène, comme la réalisation de documentaires : il y a encore plein de raisons d’être en colère.

J’ai tourné un documentaire à la frontière syrienne il y a trois ans (Paroles d’enfants syriens : la misère entre deux jardins). Si ce genre de choses peut provoquer des crises de conscience, faire un peut bouger les lignes, c’est déjà énorme. Certaines personnes qui ont vu ce documentaire travaillaient à Paris, dans des hôpitaux : ils sont partis dans la plaine de la Békaa, pour y aider les enfants traumatisés par la guerre. Si ce que je fais peut servir à cela, à sensibiliser, c’est déjà beaucoup. Et cela me prouve qu’il y a encore des femmes et des hommes qui n’ont pas sombré dans le cynisme !

Observer, dénoncer, faire réfléchir, c’est le rôle de l’art ?

L’art en général est par essence une forme de contre-pouvoir. Je viens d’un monde où on a « osé oser ». Aujourd’hui les gens deviennent artistes pour l’argent, pour être connu… Chacun sa perception des choses. Je pense que la notoriété doit servir à mettre en lumière des problématiques, des gens qu’on peut aider. D’ailleurs on parle souvent des « artistes engagés », on leur demande pourquoi ils s’engagent : on ne demande jamais aux artistes qui ne s’engagent pas pourquoi ils ne le font pas… Ce serait intéressant, non ?

Trust en concert le 11 novembre à l’Escale de Saint-Cyr-sur-Loire – www.az-prod.com

Et plus d’infos sur www.facebook.com/trustofficiel

Interview publiée dans le PROG ! nº184 de octobre 2021.