L'interview de Haroun

Publiée dans le PROG ! nº186 de décembre 2021

« Ce qui m’inspire le plus, c’est la lecture »

L’humoriste revient en Touraine avec son nouveau spectacle « Seul(s) ». Un pluriel qui en dit long sur les interrogations qui habitent le jeune homme.

Pourquoi ce titre « Seul(s) » ? Quel est le thème de votre spectacle ?

Ce spectacle a été écrit pendant la période des confinements, on était seuls chez nous, isolés les uns des autres, d’où ce titre. Mais c’est aussi une question que je me suis posé en lisant des philosophes : est-on seul à penser à l’intérieur de nous ? D’où viennent ces pensées qu’on ne maîtrise pas toujours ? On n’est pas non plus le même à 15 ans qu’à 60, on passe par différents stades… Alors est-on seul en nous-même ? Est-ce que je suis responsable de tout ce que je pense ?

Avez-vous trouvé la réponse ?

Non ! Mais je la pose, et elle m’a beaucoup inspiré. Cela m’a permis de réfléchir au processus de pensée, d’aller chercher des choses avec lesquelles je ne suis pas forcément d’accord, pour les construire ou les déconstruire avec un autre personnage que j’incarne sur scène, selon un schéma traité depuis longtemps, le duo Dr Jekyll/Mister Hyde. Je me suis amusé à naviguer entre ces deux personnages.

Vous évoquez la philo : de quoi vous nourrissez-vous pour écrire ?

De moins en moins d’actualité, car ça va tellement vite qu’elle est quasiment impalpable. Ce qui fait l’actu cette semaine peut très vite passer, donc c’est difficile de se baser là-dessus pour un spectacle destiné à vivre longtemps. Ce qui m’inspire le plus, c’est la lecture. Je lis de la philosophie, ou des auteurs qui ont travaillé sur les idées : cela me permet de rebondir, pour avoir des nouveaux angles de réflexion et en faire de l’humour. Quand je parle par exemple de l’émotion, si présente dans les débats qu’elle rend la discussion difficile, je m’inspire du livre La stratégie de l’émotion de la journaliste Anne-Cécile Robert. Les auteurs « sérieux » m’inspirent pour faire des blagues.

Et l’actu via la chronique radio par exemple, ça ne vous tente pas ?

Ce n’est pas vraiment pour moi. J’ai pratiqué un petit peu mais je n’aie pas trop. C’est une façon de faire dans laquelle je ne me trouve pas très bon. On est face à quelques personnes en studio, qui rigolent un peu mais je ne saurais pas dire s’ils rient franchement ou si c’est un rire poli d’encouragement… JE ne me suis pas senti très à l’aise dans cet exercice où d’autres humoristes sont excellents, ils en maîtrisent la mécanique. Et c’est en plus très chronophage, alors que j’ai plein d’autres projets d’écriture qui me prennent déjà beaucoup de temps.

Vous écrivez pour vous ? Pour d’autres ?

Plutôt pour moi. J’essaie de travailler de nouvelles formes. Je me suis intéressé par exemple à la structure scénaristique, qui est encore un autre sport ! J’avais écrit un livre pendant les confinements (Les pensées d’Héractète), c’était assez différent là encore, et douloureux par rapport au fait de monter sur scène. J’ai pris conscience que j’avais encore beaucoup de travail devant moi avant d’être bon dans d’autres formes d’écriture.

Vous avez lancé en 2019 le site web Pasquinade (www.pasquinade.fr) : quel était votre objectif ?

J’avais écrit des spectacles qui étaient plutôt ponctuels, qui allaient sans doute mal vieillir, comme celui sur les élections par exemple. J’en écrit d’autres ensuite, et je me suis dit que d’autres humoristes avaient peut-être eux aussi envie de partager sur un site plutôt que d’être mal rémunérés par Youtube. Donc j’ai eu l’idée d’un site qui fonctionnerait comme une scène ouverte : on met un peu d’argent au chapeau en guise de prix d’entrée. Ça a bien marché auprès des humoristes, car je crois qu’on a tous envie de donner envie aux gens de venir nous voir sur scène, plutôt que d’attendre qu’une chaîne rachète nos spectacles pour les diffuser.

Et quel est le bilan deux ans plus tard ?

Il est positif coté succès d’estime, et parce que les gens viennent au théâtre grâce au site web. Mais au niveau financier c’est plus compliqué. On ne désespère pas, peut-être qu’on trouvera d’autres modèles économiques. En tous cas c’est intéressant de voir qu’il y a un intérêt pour l’humour et un système de partage plus libre.

On est en décembre : quel est votre pire souvenir de fêtes de fin d’année ?

Un nouvel an où je n’avais pas de transports en commun pour aller à la soirée : je me suis retrouvé à faire du stop au bord d’une nationale à minuit.

Et sur votre liste au père Noël vous mettrez quoi ?

Encore plus de lectures ! J’aimerais avoir de belles collections de livres à garder et à consulter chez moi. Les grandes œuvres comme Proust, Zola, auxquels je ne me suis jamais vraiment attaquer… Peut-être que les avoir dans de belles éditions m’encouragerait à le faire ?

Seul(s)  samedi 18 décembre à l’espace Malraux de Joué-lès-Tours – cheyenneprod.com.

Haroun à suivre sur sa page Facebook www.facebook.com/Haaaroun

CREDIT PHOTO ©SEKZA

Interview publiée dans le PROG ! nº186 de décembre 2021.